Comment bien choisir son prestataire

Malgré les obligations découlant de la loi, en dépit des codes de déontologie affichés par les organisations professionnelles de consultants auprès des CHSCT, le succès d’une expertise dépend avant tout de la qualité du cahier des charges. Il est donc primordial d’y attacher tout le
soin nécessaire.

1. Bien définir et exprimer clairement son besoin

Pour que le consultant comprenne les enjeux et cerne le contexte de son intervention, il est primordial de lui présenter en préambule les données économiques, sociales et juridiques de l’entreprise : nature et secteur d’activité, effectifs, situation juridique, organigramme, chiffres clés de l’activité, historique, évolutions récentes et à venir, etc. Retracer l’historique récent, en pointant les points forts et les points faibles en matière de santé et de sécurité au travail. L’un des avantages de cet exercice est qu’il débouche sur un premier état des lieux, à jour.

2. Préciser le contexte de la mission

La démarche du cabinet et l’orientation de sa mission ne seront pas les mêmes selon qu’il s’agit d’anticiper un changement, ou de donner suite à la survenue d’événements graves. De même, la situation diffère si le prestataire intervient à froid (événements relativement anciens ou absence de tout sinistre) ou dans un contexte d’urgence. Il est aussi utile d’indiquer l’origine de la sollicitation : alerte du médecin du travail, demande du CHSCT, conflit émergent, etc.
Les changements prévus dans un futur proche, tels que les déménagements, doivent être portés à la connaissance de l’intervenant.

3. Délimiter précisément le périmètre concerné

Il est indispensable de définir le ou les objets de l’intervention, le périmètre géographique (initiation sur un site, déploiement global, etc.) et les étapes de la démarche (formation, diagnostic, déploiement du programme d’actions, etc.). Les actions en cours ou précédemment engagées avec le concours d’autres intervenants doivent être présentées au cabinet partenaire, afin d’assurer la cohérence et la coordination de l’ensemble des initiatives.

4. Choisir un prestataire en toute connaissance de cause

Bon nombre de CHSCT sélectionnent un cabinet d’expertise sur la base d’affinités syndicales. Dans certains cas, la notoriété du prestataire dicte le choix. En réalité, les intervenants exercent dans des structures de taille très différentes et leurs compétences ou expériences ne sont pas en rapport avec le chiffre d’affaires de la société à laquelle ils appartiennent. Pour preuve, certains experts sont agréés à titre individuel et bon nombre d’indépendants jouissent d’une très grande crédibilité dans leur domaine. Il peut être judicieux de recourir à une procédure d’appel d’offres.

L’employeur peut d’ailleurs contraindre le CHSCT à une telle démarche. Quoi qu’il en soit, seul un cabinet agréé par le ministère du Travail peut intervenir. Cet agrément, à durée déterminée, renouvelable (jusqu’à cinq ans), porte sur deux champs distincts : la santé et la sécurité au travail, et l’organisation du travail et de la production.

5. Poser ses exigences dès le départ

Il vaut mieux clarifier la situation dès le départ, pour éviter des déconvenues. Il ne faut pas hésiter à demander au consultant de justifier de ses compétences, de ses expériences professionnelles et de ses champs d’intervention habituels : ses références doivent pouvoir être vérifiées (actions conduites, études en lien avec le secteur d’activité, conduite de projet dans un contexte de tensions sociales, etc.). De même, il convient de vérifier qu’il dispose bien des agréments et habilitations officielles (expert auprès des CHSCT, organisme de formation, IPRP, etc.), en se référant aux listes établies par le ministère du Travail et les Direccte.

Au-delà, il est prudent de demander à la société prestataire, quelle que soit sa réputation, de définir clairement sa proposition : contexte, objet de l’intervention, nom et qualité des consultants, démarche proposée, méthode et outils utilisés, formalisation des résultats, planning, étapes de validation et d’avancement de la démarche, montant et durée de l’intervention, modalités de renégociation, sanctions en cas de non-respect du contrat, etc.
En cas de recours à un sous-traitant, le consultant (personne morale ou physique) doit être transparent sur les conditions de la délégation et s’engager à respecter les dispositions du Code du travail et du Code de commerce.

6. Encadrer le déroulement de la mission au sein de l’entreprise

Fixer un cadre précis à l’intervention (formation du groupe projet, appui au dialogue social, aide à l’évaluation, etc.). Le périmètre géographique et les différentes étapes, la démarche et ses étapes successives. Chaque partie devra par la suite respecter le cadre défini, à la fois sur le fond (principes théoriques, méthodologiques et déontologiques), et sur la forme, qu’il s’agisse du calendrier ou des livrables. Si des modifications devaient intervenir pour tenir compte d’événements internes ou externes, il conviendrait de vérifier que cela n’impacte pas tout le cadre initial.

Avant le coup d’envoi des travaux, il est indispensable de définir avec le consultant les modalités de sa rencontre avec les différents acteurs en présence: membres de la direction, représentants du personnel, encadrement de proximité, médecin du travail, simples salariés, etc. Toutefois, il convient de laisser au consultant la liberté de mouvement nécessaire à l’accomplissement de ses travaux. Le fait qu’il puisse entendre le point de vue des différents acteurs de l’entreprise lui permettra d’adapter son intervention.
Ce temps passé avec le consultant aide aussi les différents interlocuteurs à s’approprier les enjeux de l’intervention et permet au groupe projet d’effectuer les choix méthodologiques qui conditionneront l’action.

7. Insister particulièrement sur la place et le rôle du CHSCT dans le processus

Définissez avec le prestataire la place du CHSCT ou du groupe de travail ad hoc, s’il y en a un. En amont de la mission, il peut s’avérer nécessaire de former les représentants du personnel. Le même cabinet peut en être chargé, à condition d’avoir identifié ensemble les pré-requis et d’avoir arrêté le contenu et la durée de la session. Cela présente l’avantage de permettre aux participants d’avoir un langage commun, lors des échanges.
Une action de communication en direction de l’ensemble du personnel peut s’imposer avant l’entame de la mission. Dans tous les cas, la communication interne reste un facteur clé de la réussite.

8. Réclamer le détail de la méthodologie

Il est recommandé de faire préciser au consultant la méthodologie qu’il envisage de déployer : observation de l’organisation du travail, analyse de situations délicates, difficiles voire conflictuelles, entretiens individuels ou collectifs, ciblage de services ou de métiers spécifiques.
Une fois les données recueillies, les modalités de présentation des résultats au groupe de travail ad hoc, au CHSCT, aux acteurs concernés et à l’ensemble des salariés doivent être arrêtées à l’avance. La présentation du diagnostic doit être transparente, explicite, comprise par tous.
Il est d’usage que le consultant présente un bilan global de son intervention en fin de mission et le restitue au groupe projet ou aux acteurs concernés. En retour, les interlocuteurs pourront faire un retour qualitatif sur l’intervention du cabinet.

9. Protéger la confidentialité des données

Le prestataire devra s’engager à ne pas divulguer le contenu de son intervention à l’extérieur de l’entreprise. En outre, l’intervenant s’interdit tout jugement de valeur et veille à ce que ses prises de position soient impartiales.

10. Prévoir une marge de manœuvre pour ajuster la convention

Il est prudent de prévoir des modalités de modification ou de rupture du contrat d’expertise. Il est admis que le contrat de prestation peut être renégocié dans les cas suivants :
– inexécution partielle de la prestation qui a été définie au contrat ;
– circonstance imprévue modifiant le cadre initial ;
– volonté commune des parties de modifier le contenu de la prestation, son échéance ou de l’interrompre.

11. Veiller à la qualité et à la faisabilité des recommandations

C’est bien souvent le point faible des rapports d’expertise. Beaucoup de documents remis en fin de mission décrivent dans le détail les situations observées et rendent compte avec rigueur des entretiens qualitatifs et des indications quantitatives recueillies. En revanche, il n’est
pas rare que les préconisations tiennent seulement en quelques lignes, comme si l’expertise ne visait qu’à établir des constats.

Il arrive aussi que les rapports se terminent par des préconisations inapplicables car irréalistes dans le contexte de l’entreprise. Il n’est donc pas superflu d’insister au début des travaux sur l’importance attachée aux recommandations, dont l’employeur pourra s’inspirer pour améliorer son projet initial.